Technique des Sciences Sociales

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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science
Politique FSJP, année universitaire : 2013-2014. Page 1
UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR
FACULTE DE SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES
DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC ET DE SCIENCE POLITIQUE
Cours Technique des Sciences Sociales
Licence II Science politique
Par Dr Boubacar KANTE
PLAN DU COURS :
PARTIE I : GENERALITES SUR LES SCIENCES SOCIALES ET LA
DEMARCHE SCIENTIFIQUE
Chapitre I : Eléments de définition
Section I : Définition des sciences sociales
Section II : Méthodes et techniques
Chapitre II : Importance de la méthodologie en matière de recherche
Section I : Les aspects originaux des faits sociaux et les actes épistémologiques
Section II : Les problèmes de méthodes : trois manières de commencer mal une
recherche
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PARTIE II : LA CONSTRUCTION SOCIALE DE LA REALITE PAR LES
METHODES ET TECHNIQUES
Chapitre I : Les méthodes de recherche au service de l’intelligence du social
Section I : L’opposition entre méthodes quantitatives et méthodes qualitatives
Section II : Les exigences de la recherche
Chapitre II : Les différentes étapes d’une démarche scientifique
Section I : Les étapes préliminaires
Section II : Les étapes terminales de la recherche
ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
Bachelard (G.), La formation de l’esprit scientifique, Paris, A. Colin, 1995.
Chazel (F.), Boudon (R). et Lazarsfeld (P.) dir, L’analyse des processus sociaux, Paris,
Mouton, Coll. « Méthodes de la sociologie », 1970.
Grawitz (M.), Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 1993.
Quivy R. et Campenhoudt (L. v.), Manuel de recherches en sciences sociales, Paris,
Dunod, 1995.
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INTRODUCTION :
 
La recherche en sciences sociales suit une démarche analogue à celle du chercheur de
pétrole. Ce dernier ne va pas forer n’importe où et n’importe comment pour espérer
tomber sur des réserves de pétrole. Au contraire, le succès de sa prospection dépend de
la démarche qu’elle suit : étude de terrain d’abord, forage ensuite. Une telle démarche
exige la mobilisation ou le recours à de nombreuses compétences (géologie,
topographie, génie civil, etc.). Le chercheur de pétrole doit, dès lors, avoir une parfaite
maîtrise des techniques requises pour réussir sa mission.
La démarche est comparable en matière de recherche sociale. Dans ce domaine
également, il importe, avant tout, que le chercheur soit capable de concevoir et de
mettre en oeuvre un dispositif d’élucidation du réel plus exactement une méthode de
travail. Celle-ci ne doit pas se résumer à une simple addition de techniques plaquées
pèle mêle pour se convaincre d’avoir adopté une démarche scientifique. Bien au
contraire, cette méthode doit se décliner comme une démarche globale de l’esprit qui
demande à être réinventer ou réadapter à chaque travail de recherche.
Ainsi, ce cours est dispensé aux étudiants de la Licence 2 en Sciences Politiques pour
les doter des bases méthodologiques indispensables pour comprendre plus finement et
interpréter plus justement les phénomènes de la vie collective auxquels ils sont
confrontés ou qui, pour une raison ou une autre, les interpellent. A ce titre, cet
enseignement se veut un support de formation méthodologique, c’est-à-dire comme une
formation à la conception et à la mise en oeuvre d’un dispositif d’élucidation du réel.
Néanmoins, il faut préciser que ce cours est insuffisant pour espérer être apte à conduire
une recherche : les techniques des sciences ne s’apprennent pas mais elles s’appliquent.
Il se limite à :
- Donner une vue d’ensemble sur la démarche scientifique
- Insister sur quelques problèmes de méthodes
- Présenter quelques techniques de travail
- Familiariser les étudiants avec une partie de la méthodologie moderne.
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PARTIE I : GENERALITES SUR LES SCIENCES SOCIALES ET LA
DEMARCHE SCIENTIFIQUE
Dans cette présente partie, il sera question d’apporter, dans un premier temps, des
éclairages sur les notions de sciences sociales, de méthode et de techniques (Chapitre I).
Ensuite, nous allons souligner l’importance de la méthodologie en matière de recherche
scientifique (Chapitre II).
Chapitre I : Eléments de définition
Pour notre gouverne, il convient de s’accorder sur l’étiquette « Sciences sociales »
qu’on oppose aux « sciences exactes ou expérimentales » (Section I) mais aussi sur les
définitions de méthode d’abord et enfin de technique (Section II).
Section I : Définition des sciences sociales
Sous cette étiquette sont regroupées diverses disciplines qui visent avant tout la
description fine et la compréhension intime des faits sociaux. Ces derniers englobent et
intègrent des aspects très divers de la réalité sociale et de façon indissociable
(économique, juridique, politique, psychologique, sociologique, géographique, etc.).
La connaissance du social apparaît comme un effort complexe de mise en relation
d’éléments cognitifs de statuts divers. Dans cette perspective, les différentes sciences
sociales étudient des secteurs d’un même ensemble : l’Activité sociale. Ces secteurs ou
segments ne sont pas toujours très clairement définis et leurs séparations, leurs
classifications ne peuvent qu’être arbitraires et temporaires.
Par exemple, la sociologie s’est séparée de la philosophie, puis la psychologie de la
sociologie. Dans ce même registre, la démographie, de son côté, est devenue une
spécialité au sein de la géographie comme l’urbanisme. Il en est de même de la science
politique naît des flans de l’histoire et du droit.
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A l’heure actuelle on considère que les principales sciences sociales sont : la sociologie,
l’anthropologie, la psychologie, l’histoire, la géographie, la démographie, l’économie, la
science politique, le droit et la linguistique. Cette liste n’est pas exhaustive.
Elles cherchent toutes des réponses au même genre de problème le diagnostic du social.
Si leur formulation est différente du fait de leurs objectifs particuliers et de leurs degrés
de maturité inégaux, on peut considérer qu’une même orientation les inspire : pénétrer
la réalité sociale considérée comme une succession d’éléments ou événements
enchaînés structurellement et fonctionnellement, organisés à la manière d’un système.
De cette situation découle les constats suivants :
1) Les caractéristiques du social ne sont que très rarement des données naturelles
qui surgiraient spontanément et dont l’existence ne donne pas de choix ;
2) Les relations entre individu et société méritent en raison de leur complexité un
examen approfondi. Dans la plupart des cas, les régulations qui s’y manifeste
n’obéissent ni à un scénario pré-établi, ni à une théorie toute faite ;
3) La réalité sociale tolère mal des simplifications abusives et les rapprochements
hasardeux.
Sous ces rapports, il faut une méthode adaptée et des techniques fiables pour pénétrer et
éprouver le réel.
Section II : Méthodes et techniques
L’on ne peut qu’être frappé de l’extrême désordre régnant en ce domaine. La plupart
des auteurs distinguent la méthode, des méthodes. Les chercheurs américains par
exemple utilisent le terme de procédures là où les autres emploient méthodes (au
pluriel), mais cette substitution n’ajoute aucune clarté. C’est ainsi que John Mc Kinney
distingue cinq procédures faisant partie de la méthodologie des sciences : les procédures
statistique, expérimentale, typologique, historique et l’étude des cas. Cette liste n’est ni
complète ni homogène. Comment situer sur le même plan la statistique, la méthode
expérimentale et la méthode des cas ? En dépit de ce désordre, ce terme est utilisé pour
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déterminer des procédés qui se situent à des niveaux très différents eu égard à leur
inspiration plus ou moins philosophique, à leur degré d’abstraction, leur but plus ou
moins explicatif, leur action sur des étapes plus ou concrètes de la recherche et le
moment où elles se situent.
Au sens philosophique, la méthode (au singulier) est constituée de l’ensemble des
opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre les vérités
qu’elle poursuit, les démontre, les vérifie. Cette acception de la méthode, inhérente à
toute démarche scientifique, permet de la considérer comme un ensemble de règles
indépendantes de toute recherche et contenu particulier, visant surtout des processus et
formes de raisonnement et de perception rendant accessible la réalité à saisir. Autrement
dit, la méthode dicte des façons concrètes d’envisager ou d’organiser la recherche.
Toute recherche en sciences sociales comme dans les sciences en général doit comporter
l’utilisation de procédés opératoires rigoureux, bien définis, transmissibles, susceptibles
d’être appliqués à nouveau dans les mêmes conditions, adaptés au genre de problèmes
et de phénomènes en cause. Ce sont là des techniques de recherche.
Les méthodes et techniques des sciences sociales permettent de se démarquer de
l’opinion et pour embrasser la science. Ces méthodes et techniques varient suivant
l’objet auquel elles s’appliquent mais elles ne s’excluent pas. Encore faut-il dans un
premier temps savoir choisir la plus adéquate et dans un second l’utiliser
convenablement.
Ces deux principes directeurs exigent la rigueur nécessaire à l’application de toute
méthode ou technique en science sociale : la maîtrise et parfois la modification de soi
(capacité du chercheur à s’adapter et de son expérience). Les raisons de cette exigence
sont connues. Les recherches en sciences sociales destinées à saisir ce que l’individu ou
le groupe pense, éprouve, redoute, espère, c’est-à-dire ses opinions, ses attitudes, ses
motivations et ses aptitudes : le chercheur doit être porte-parole des autres. En même
temps, cet individu ou ce groupe appartient à une époque, un lieu, une culture, une
classe sociale, une nation ..., par un jeu d’interaction complexe tous ces facteurs
l’influent. A partir de ce moment, les méthodes et techniques doivent se conjuguer avec
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trois niveaux : celui de l’individu, celui des divers groupes auxquels il appartient et
celui des faits sociaux, résultats de l’action des hommes qui à leur tour les déterminent.
Chapitre II : Importance de la méthodologie en matière de recherche
Ce chapitre aborde les aspects originaux des faits sociaux qui exigent trois actes dans la
démarche scientifique (Section I) et insiste sur les trois manières de commencer mal une
recherche (Section II).
Section I : Les aspects originaux des faits sociaux et les actes épistémologiques
Fondamentalement, le problème de la connaissance scientifique se pose de la même
manière pour les phénomènes sociaux et les phénomènes naturels : dans les deux cas,
des hypothèses théoriques doivent être confrontées à des données d’observation ou
d’expérimentation. Toute recherche doit donc répondre à quelques principes stables et
identiques, même si plusieurs voies différentes conduisent à la connaissance
scientifique.
Gaston Bachelard a résumé la démarche scientifique en quelques mots :
« Le fait scientifique est conquis, construit et constaté »,
- Conquis sur les préjugés,
- Construit par la raison,
- Constaté dans les faits.
La même idée structure l’ensemble de l’ouvrage Le Métier de sociologue de P.
Bourdieu, J. –C. Chamboredon et de J.-C. Passeron (Paris, Mouton, Bordas, 1968). Les
auteurs y décrivent la démarche comme un processus en trois actes dont l’ordre doit être
respecté. C’est ce qu’ils appellent la hiérarchie des actes épistémologiques. Ces trois
actes sont la rupture, la construction et la constatation ou expérimentation.
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A- Les trois actes de la démarche
La recherche en sciences sociales est un ensemble d’opérations qui suppose un
maximum de cohérence. Elle n’est pas une succession de méthode et de techniques
stéréotypées qu’il suffirait d’appliquer telles quelles et dans un ordre immuable pour
produire de la science. Le fait social exige une certaine posture épistémologique :
1) La rupture
En sciences sociales, notre bagage soi-disant « théorique » possède de nombreux pièges
car une grande part de nos idées s’inspire des apparences immédiates ou de partis pris.
Elles ne sont souvent qu’illusions et préjugés. Construire sur de telles prémisses revient
à construire sur du sable et non sur du béton. D’où l’importance de la rupture qui
consiste précisément à rompre avec les préjugés et les fausses évidences qui nous
donnent seulement l’illusion de comprendre les choses.
2) La construction
Cette rupture ne peut être effectuée qu’en se référant à un système conceptuel organisé,
susceptible d’exprimer la logique que le chercheur suppose être à la base du
phénomène. C’est grâce à cette théorie qu’il peut construire des propositions
explicatives du phénomène à l’étude et qu’il peut prévoir le plan de recherche à mettre
en oeuvre. Sans cette construction théorique, il n’y aurait pas d’expérimentation valable.
Il ne peut y avoir, en sciences sociales, de construction fructueuse sans construction
d’un cadre théorique de référence (J.-M. Bertholot, L’intelligence du social, Paris,
PUF, 1990).
3) La constatation
Une proposition explicative possède une validité scientifique quand on peut la
démontrer ou la vérifier, c’est-à-dire lorsque cette validité est contrôlable par ceux qui
veulent se donner la peine de la contrôler. Cette mise à l’épreuve des faits est appelée
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constatation ou expérimentation. Elle correspond au troisième acte de la démarche
scientifique.
La nécessité d’observer strictement ces trois actes épistémologiques est dictée par les
aspects originaux du fait social.
B- Les aspects originaux du fait social
Le fait social se caractérise par trois traits originaux qu’il convient d’exposer ici.
1) Premier aspect original : l’analogie entre observateur et observé
Le chercheur le plus officiellement objectif ne comprend ce qu’il observe que sur le
fond d’une analogie par laquelle l’autre, sujet d’étude et acteur social comme lui a des
réalités sociales. A cet aspect qui dénote l’insertion de toute pratique scientifique sur le
social dans le champ global de la culture vient s’adjoindre un second aspect.
2) Second aspect original : le rapport au fait et l’implication contrôlée du chercheur
Le fait social est l’attestation de la présence qui fait appel à la valeur personnelle du
chercheur, à son éthique, à sa capacité personnelle de définir sa propre orientation, de
penser et d’expliciter ses postulats, à sa capacité d’implication contrôlée. Ce qui
implique un troisième aspect.
3) Troisième aspect original : La réciprocité de l’observation
Contrairement à ce qui se passe dans les méthodes en sciences exactes où l’objet reste
l’objet et même s’objectivise de plus en plus par la formulation de l’esprit scientifique,
les sciences sociales présente la possibilité de réciprocité de l’observation. Cet aspect
transforme radicalement la situation d’observation et les comportements des deux
parties en sont modifiés. Il s’agit d’une conscience de l’autre avec tout ce que celle-ci
implique de calcul d’intentions, d’hypothèses sur les buts, de projets personnels.
La non maîtrise de ces faits originaux peut pousser le chercheur à mal engager sa
recherche.
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Section II : Les problèmes de méthodes : trois manières de commencer mal une
recherche
Au départ de toute recherche, le chercheur se trouve plonger dans une situation
d’incertitude qui le fragilise : c’est le chaos originel. Ce chaos originel ne doit pas
inquiéter. Bien au contraire, il est la marque d’un esprit qui ne s’alimente pas de
simplismes et de certitudes toutes faites. Pour sortir efficacement de ce chaos originel,
le chercheur doit résister à trois pièges malheureusement très courants : la gloutonnerie
livresque ou statistique, l’impasse aux hypothèses et l’emphase obscurcissante.
A- La gloutonnerie livresque ou statistique
Elle consiste à se « bourrer le crâne » d’une grande quantité de livres, d’articles ou de
données chiffrées en espérant y trouver la lumière qui permettra de préciser enfin
correctement et de manière satisfaisante l’objectif et le thème du travail que l’on
souhaite effectuer. Cette attitude fâcheuse conduit inexorablement au découragement,
car l’abondance d’informations mal intégrer finit par embrouiller les idées.
Pour l’éviter, il faut réapprendre à réfléchir plutôt qu’à engloutir, à lire en profondeur
peu de textes soigneusement choisis et à interpréter judicieusement quelques données
statistiques particulièrement plus parlantes : la loi du moindre effort est une règle
essentielle du travail de recherche. Elle consiste à veiller toujours à emprunter le
chemin le plus court et le plus simple pour le meilleur résultat.
Une fois, le piège de la gloutonnerie évitée, le chercheur doit aussi se garder de faire
l’impasse aux hypothèses.
B- L’impasse aux hypothèses
L’impasse aux hypothèses consiste précisément à se précipiter sur la collecte des
données avant d’avoir formuler des hypothèses de recherche et à se préoccuper du choix
et de la mise en oeuvre des techniques de recherche avant même de bien savoir ce que
l’on cherche exactement. On ne peut choisir une technique d’investigation que si l’on a
une idée de la nature de données à recueillir. Cela implique que l’on commence par bien
définir son projet de recherche.
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Le troisième défaut très fréquent chez les chercheurs débutants, c’est l’emphase
obscurcissante.
C- L’emphase obscurcissante
Pour s’assurer une crédibilité, le chercheur débutant croit utile de s’exprimer de manière
pompeuse et inintelligible et, plus souvent, il ne peut s’empêcher de raisonner de la
même manière. Il a recours à un style aussi creux qu’emphatique qui cache mal
l’absence de projet de recherche clairement défini et intéressant. Or, une caractéristique
essentielle d’une bonne recherche est l’authenticité.
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PARTIE II : LA CONSTRUCTION SOCIALE DE LA REALITE PAR LES
METHODES ET TECHNIQUES
Dans cette dernière partie du cours, la plus importante, l’on va examiner les différentes
méthodes de recherche en insistant sur leur opposition et leurs exigences (Chapitre I).
Malgré leur variété, ces différentes méthodes des sciences sociales suivent toutes les
mêmes étapes (Chapitre II).
Chapitre I : Les méthodes de recherche au service de l’intelligence du social
Il s’agit de montrer comment les diverses méthodes permettent d’élucider le fait social.
Concrètement, nous passerons en revue certaines approches de la méthodologie
moderne d’abord, et insisterons sur les exigences de la recherche, enfin.
Section I : L’opposition entre méthodes quantitatives et méthodes qualitatives
Les méthodes quantitatives se fondant sur une épistémologie positiviste ou postpositiviste,
utilisant des outils d'analyse mathématiques et statistiques, en vue de décrire,
d'expliquer et prédire des phénomènes sociaux par le biais de concepts opérationnalisés
sous forme de variables mesurables. Elles se distinguent ainsi des méthodes dites
qualitatives.
L’opposition supposée entre méthodes quantitatives et méthodes qualitatives trouvent
son fondement dans les obstacles liées à l’utilisation des mathématiques dans les
sciences sociales. Ces obstacles sont relatives à la difficulté majeure que constitue
l’inadaptation de l’outil mathématique aux sciences sociales et à l’hostilité de ceux qui,
ignorant les mathématiques répugnent à l’utiliser mais aussi à l’excès de zèle de certains
qui, au nom d’un certain modernisme prônent les mathématiques, sans se préoccuper de
l’importance des problèmes abordés, ni de la portée des résultats obtenus.
Globalement, on peut considérer qu’il existe des contacts entre mathématiques et
sciences sociales à plusieurs niveaux :
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- Au niveau des développements, c’est-à-dire dans les domaines déjà évolués et
directement quantifiables : échanges interindustriel (matrice de Leontieff),
sociologie électorale entre autres, les mathématiques (statistiques) sont déjà
utilisées.
- Au niveau des fondements : un certain nombre de sciences sociales se sont
interrogées sur leurs fondements et ont soumis leurs concepts de base à une
remise en question. Les sciences relatives à chaque secteur du réel se sont
aperçues qu’il y avait entre elles et les mathématiques, une identité : une logique
commune, une façon de raisonner. Il s’agit par exemple de la démographie et
des sciences économiques. Ces deux disciplines étudient depuis longtemps les
chiffres de population, les courbes de prix, etc. La quantification de ces sciences
est née avec elles, et nul ne contestera que le développement de l’utilisation des
mathématiques a contribué aux progrès récents des sciences économiques.
Aujourd’hui, les controverses ne portent plus sur le but des sciences sociales, ou sur les
possibilités de les quantifier, mais plutôt sur l’étendue, les avantages et inconvénients de
cette quantification. En d’autres termes, on ne discute plus le principe de certaines
techniques, mais leur intérêt, leur validité respective, la possibilité d’appliquer l’une ou
l’autre à tel ou tel phénomène, dans telle ou telle circonstance.
De ce point de vue, on constate que certains phénomènes ne sont pas mesurables,
quantifiables (croyance, représentation, attitude face à un problème, procédure de
décision ...). L’étude de ces phénomènes, à caractéristiques spécifiques, doit se faire par
des techniques de recueil et d’analyse qui échappant à toute codification et
programmation systématique reposent essentiellement sur l’empathie et la présence
d’une part et sur la souplesse d’esprit d’autre part. En l’espèce, le chercheur a recours à
des méthodes qualitatives dont cinq caractéristiques fondamentales déterminent leurs
critères de validation.
1) L’acceptation interne : Il est communément admis qu’un des critères de
validation des recherches en sciences sociales est le fait que les résultats finaux
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soient reconnus comme pertinents par les acteurs sociaux sur lesquels porte
l’investigation empirique. L’acceptation interne renvoie au fait que le chercheur,
sa recherche et ses résultats sont acceptés par les acteurs, le groupe, bref par
ceux à qui il a affaire dans sa recherche et ceux sur qui portent sa recherche.
Ceux-ci doivent forcément se reconnaître dans le portrait que le chercheur dresse
sur eux-mêmes. Autrement dit, les observés doivent adhérer aux interprétations
que le chercheur fait des données recueillies : ce sont eux qui détiennent leur
réalité. Ils n’en sont pas forcément conscients mais une bonne restitution, une
bonne explication doivent pouvoir leur faire prendre conscience de l’ensemble
des phénomènes dans lesquels ils sont. De toute façon, ils sont les seuls à
pouvoir approuver leur propre vécu si la recherche vise à exprimer ce vécu.
2) La complétude : C’est non seulement un ensemble de résultats auxquels il ne
manque rien, mais aussi, une présentation de ces résultats en un ensemble
cohérent qui a pour lui un sens et qui permet une compréhension globale du
phénomène. Pour atteindre cette complétude plusieurs modes de collectes
peuvent être utilisés. Cette utilisation de plusieurs techniques pour obtenir des
recoupements est appelée la triangulation des techniques. Dans cette
perspective, le chercheur analyse l’ensemble de ses données avec différentes
techniques et recherche celle qui laisse le moins de résidus, c’est-à-dire de
données non utilisées.
3) La saturation : C’est le phénomène qui apparaît au bout d’un certain temps dans
la recherche lorsque les données que l’on recueille ne sont plus nouvelles, et
sont donc rendues inutiles. Ce qu’on récolte rentrant dans des cadres déjà connus
on peut alors arrêter la recherche. Lorsque la saturation est atteinte, elle confère
une base très solide à la généralisation.
4) La cohérence interne : C’est un critère important dans la recherche en sciences
sociales car elle permet à l’analyse finale de déboucher sur un ensemble
cohérent comportant la mise en réseau de toutes les données. Sa logique
organisatrice est une construction intellectuelle, doit être parfaitement crédible et
compréhensible par importe quel autre chercheur.
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5) La confirmation externe : C’est l’adhésion et l’acceptation des résultats de la
part des personnalités scientifiques (experts, spécialistes de la question, les
chercheurs du même domaine). En fait, la confirmation externe est en quelque
sorte la confiance que les pairs accordent aux résultats exposés dans la
recherche. Autrement dit, le critère de confirmation externe sera donc le degré
de confiance que le chercheur aura par rapport à l’objectivité des données,
objectivité qui peut être vérifiée par des collègues extérieurs à la recherche qui
consulteraient les documents de collecte, le journal de bord et pourraient
reconstituer les épisodes de la recherche.
En conclusion de cet examen des critères de validation scientifiques des résultats
produits par des méthodes qualitatives, nous pouvons dire d’une manière générale, la
validation des résultats est donnée à la fois par des critères d’acceptation interne, de
cohérence interne et de confirmation externe. La fidélité de la recherche (la recherche
donnera les mêmes résultats dans les mêmes conditions) est quelque chose qui par
définition est difficilement possible dans les sciences sociales. La dynamique des
phénomènes sociaux et de leur évolution interviendront toujours, mais cette fidélité
pourra être donnée quand le critère de complétude sera entièrement assuré.
Section II : Les exigences de la recherche scientifique
Cette section abordera tour à tour la notion de recherche scientifique et les différents
niveaux de la recherche.
A. La notion de recherche scientifique
Toute recherche scientifique est caractérisée ou déterminée par cinq éléments majeurs
par :
- La théorie qui permet de déduire, d’induire ou de modéliser nos savoirs sur le
sujet ;
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- La méthode qui est définie par l’objet de recherche et légitimé par une théorie de
la science ;
- L’objet de la recherche qui consiste à déterminer exactement ce que l’on veut
étudier ;
- Le but de la recherche : à quoi cela doit servir ?
- Vos moyens, c’est-à-dire connaissances, temps, argent, accès aux données, etc.
Toute réflexion scientifique repose sur une croyance fréquente au déterminisme et au
principe du relativisme. Elle peut être qualifiée d’intéressante :
- S’il produit quelque chose de nouveaux (répondre à des questions nouvelles ou à
d’anciennes questions sans réponses adéquates ; répondre autrement à des
questions traitées dans la littérature ou encore à la limite appuyer des réponses
dans la littérature par une nouvelle argumentation) ;
- S’il produit quelque chose qui fait plaisir à une certaine communauté à vousmême.
B. Typologie et niveaux de recherche :
On distingue divers types de recherches selon le degré de « théorisation » ou selon la
finalité scientifique.
Selon le degré de théorisation, on distingue plusieurs niveaux : la description, la
classification et l’explication.
La description : Cette étape peut constituer l’objectif même de la recherche
(monographie d’une petite société visant une description de tous ses aspects). La
description peut être aussi considérée comme un premier stade d’une enquête celui de la
description des symptômes d’une situation sociale par la méthode clinique. Sous ce
rapport, la description est la phase la moins élaborée de la science, celle dans laquelle
on ne sait pas encore ce que l’on cherche (problèmes pas bien précisés, hypothèses non
dégagées). Dès lors, la description renferme certains écueils à éviter. D’abord, il faut
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éviter l’absence de conceptualisation, car on ne peut tout décrire sous peine de borner la
description à une accumulation de faits sans signification. Enfin, il faut rejeter la
conceptualisation inopportune et les découvertes arbitraires. La description doit épouser
la réalité, il faut donc que le chercheur soit capable de l’appréhender, de la concevoir.
Très souvent, il est reproché à de nombreux ethnologues d’utiliser pour décrire certaines
sociétés archaïques, des concepts, un langage, provenant de la société dont le chercheur
était issu et par là, de se montrer incapables de rendre compte d’une réalité qui leur était
étrangère. A certains historiens également d’employer des termes actuels pour rendre
compte de situations du passé très différentes. Par exemple, on ne peut pas parler de
classe au sujet de l’Angleterre du XVIIe siècle.
Mais une bonne description, une analyse pertinente, malgré son utilité scientifique ne
suffisent pas. Le rôle de la science, c’est tout même d’atteindre l’explication, en passant
souvent par le stade de la classification.
La classification : Comme dans les sciences de la nature, les sciences sociales ont
recours à la catégorisation, permettant des comparaisons. Par exemple, les
anthropologues ont caractérisé les types de société d’après leur degré d’organisation :
sociétés à Etat/ sociétés sans Etat, et les constitutionnalistes ou politistes les régimes
politiques d’après le niveau de séparation des pouvoirs : régime présidentiel vs régime
parlementaire.
P. Lazarsfeld indique que l’analyse d’une série d’observations issues d’une recherche
peut impliquer toute une variété de classifications, allant de la simple mise en ordre de
caractéristiques sans relation les unes avec les autres, au niveau descriptif, jusqu’à une
typologie systématique, dans laquelle chaque type est caractérisé par un certain nombre
d’attributs. De ce point de vue, une classification même inachevée, représente déjà une
étape importante, car on peut découvrir de relations entre des détails non ordonnés.
Mais cette classification pour être utile doit au départ retenir les éléments significatifs,
distinctifs, c’est-à-dire orienter les hypothèses dans une bonne direction.
Questions : peut-on apprendre à classer ? Y a-t-il des règles à observer pour construire
une typologie ? En ce qui concerne les types établis à partir d’éléments quantitatifs (cas
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de la psychologie différentielle), les règles de la statistique s’appliquent. En revanche,
lorsque des éléments qualitatifs sont en cause, il n’existe pas de méthode ni de
technique à proprement parler, il s’agit d’intelligence, d’intuition, de sens des éléments
importants, mais tout de même d’un traitement rigoureux de ces éléments (cf. les
idéaltypes de domination proposés par M. Weber).
La typologie la plus complète à laquelle on puisse parvenir à partir d’éléments
qualitatifs, est celle, déclare P. Lazarsfeld, dans laquelle « chaque type est explicitement
dérivé de la combinaison logique d’attributs essentiels ». C’est le cas de l’étude de
Riesman sur la participation, dans laquelle il mêle deux éléments : la connaissance et
l’intérêt ou la sensibilisation aux problèmes politiques, obtenant ainsi quatre types
d’engagement politiques possibles.
Enfin, la typologie est vieille comme la science et constitue une première étape de
classification, elle est établie pour promouvoir l’explication des faits, d’un problème ou
d’un événement.
L’explication : Expliquer c’est répondre à la question « pourquoi ». Nous pouvons dire à
la suite de Stuart Mill qu’ « un fait particulier est expliqué, quand on indique une loi ou
d’autres lois dont il est une conséquence ». Cela revient à trouver la ou plutôt les causes
du fait, du problème ou phénomène. Pour ce faire, le chercheur peut s’appuyer autres
sur les théories mais aussi sur des modèles pour atteindre l’explication.
On distingue :
 Les « grandes théories » qui s’attaquent à des thèmes complexes (pas très
empiriques) comme l’évolution de société, le système politique, la société
internationale ;
 Les théories à portée moyenne concernent un domaine plus restreint (ensemble
de recherches empiriques) comme par exemple la mise en oeuvre des lois dans
les démocraties représentatives ;
 Les modèles formalisés concernent des aspects plus restreints du champ social,
parfois appuyés par des études empiriques précises et poussées. Il s’agit par
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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science
Politique FSJP, année universitaire : 2013-2014. Page 19
exemple des modèles comparatif, historique, génétique, fonctionnaliste,
structuraliste, dialectique et systémique, entre autres. Ces modèles ne feront pas
l’objet de développement ici, car l’étudiant en science politique aura l’occasion
au cours des divers enseignements notamment la sociologie générale,
l’anthropologie et la sociologie politique, la politique comparée, ou encore les
relations internationales de les découvrir et de se familiariser avec ces modèles
d’explication.
 Les hypothèses font en règle générale partie d’une théorie. Il s’agit de
propositions claires qui nécessitent d’être testées.
Enfin, on peut distinguer les divers types de recherche selon la finalité scientifique.
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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science Politique FSJP, année universitaire : 2013-2014. Page 20
FINALITE QUESTIONS TYPIQUES APPROCHES METHODES
Exploratoire
-étude de nouveaux phénomènes
-préparation d’une autre recherche
Qu’est-ce qui se passe dans ce
programme ?
Comment fonctionne cette
organisation ?
-étude de cas
-field study
-observation participante
-entretiens en profondeur
-entretiens d’élite
Explicative
-explication des forces qui causent
un phénomène
Quels événements, comportements,
croyances, etc. résultent dans ce
phénomène ?
-étude de cas comparative
-étude historique
-« field study »
-ethnographie
-comme ci-dessus
-questionnaires
-analyse de documents
Descriptive
-documentation d’un phénomène
Quels sont les événements,
structures, et processus constituant
ce phénomène ?
-« field study »
-étude de cas
-ethnographie
-comme ci-dessus
Prédictive
-prédictions globales
-prédiction d’événements ou
comportements
Quel est le résultat d’un
phénomène ?
-expérience
-quasi-expérience
-statistique
-simulation
-questionnaires
-analyses de contenu
(quantitatives)
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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science Politique FSJP, année universitaire : 2013-2014. Page 21
D’ingénierie
-faire d’un produit
Quel est le problème ?
Comment créer un outil… ?
Informatique, droit, management
etc.
Plutôt qualitatives
Source: C. Marshall et G. B. Rossmann, Designing Qualitative Research, 2e éd., London, Sage, 1995.
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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science
Politique FSJP, année universitaire : 2013-2014. Page 22
Un mot sur l’interdisciplinarité
Il s’agit de combiner plusieurs approches ou paradigmes. On peut en avoir trois
variantes.
 Recherche multi-disciplinaire : Elle consiste à une juxtaposition, sur un même
objet, de recherches conduites selon plusieurs points de vue, chacune conservant
sa spécificité. Elle est plus difficile à mener, car il faut pour la conduire posséder
des connaissances très larges et/ ou savoir communiquer avec les gens utilisant
un autre langage ;
 Recherche interdisciplinaire : Elle permet la confrontation et l’échange de
méthodes en vue d’élargir et d’enrichir le champ d’investigation. Elle est plus
simple à mener puis qu’on ne puise que les concepts et méthodes « ailleurs »,
mais il est difficile de se faire accepter par toutes les communautés scientifiques
concernées. Qui plus est ce genre de recherche prend plus de temps en général.
 Recherche trans-disciplinaire : Elle conduit généralement à un niveau
d’abstraction élevé parce qu’utilisant des théories et concepts communs à toutes
les sciences sociales.
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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science
Politique FSJP, année universitaire : 2013-2014. Page 23
Chapitre II : Les différentes étapes d’une démarche scientifique
La qualité des résultats finaux d’une recherche repose sur la bonne mise en oeuvre des
étapes ci-dessus. Chacune est aussi importante que les autres. Le chercheur doit rien
négliger sinon à un moment où un autre des biais s’introduiront et invalideront d’une
manière ou d’une autre les résultats.
Les étapes classiques d’une recherche en sciences sociales sont les suivantes : (1) la
mise en évidence du problème ; (2) l’étape préparatoire à l’enquête ou l’exploration ;
(3) la définition des objectifs de l’étude et la mise en place d’une problématique ; (4) la
construction des hypothèses ; (5) l’observation ; (6) l’analyse des informations ; (7) les
conclusions. Même si nous avons décidé de scinder ces différents moments en deux
phases : les phases préliminaires (Section I) et les phases terminales (Section II). Elles
sont en réalité en interaction permanente. Mieux, c’est sur l’enchaînement de ces
différentes opérations et la logique qui les relie que ce chapitre mettra l’accent (cf.
schéma ci-dessus : Etapes de la démarche).
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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science
Politique FSJP, année universitaire : 2013-2014. Page 24
LES ETAPES DE LA DEMARCHE
Etape 1 La question de départ
Etape 2 L’exploration
Les lectures Les entretiens
RUPTURE exploratoires
Etape 3 La problématique
CONSTRUCTION
Etape 4 La construction des hypothèses
Etape 5 L’observation
CONSTATATION Etape 6 L’analyse des informations
Etape 7 La conclusion
Source : Quivy et Campenhoudt, 1995.
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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science
Politique FSJP, année universitaire : 2013-2014. Page 25
Section I : Les étapes préliminaires
On considère comme étapes préliminaires d’une recherche : la mise en évidence du
problème (A) et l’étape préparatoire à l’enquête ou l’exploration (B).
A. La mise en évidence du problème
Pour rappel, le premier problème qui se pose au chercheur est tout simplement celui de
savoir comment bien entamer son travail. En effet, il n’est pas facile de parvenir à
traduire ce qui se présente couramment comme un centre d’intérêt ou une préoccupation
relativement vague en un projet de recherche opérationnel. En fait, la difficulté
d’entamer valablement un travail de recherche provient souvent d’un souci de trop bien
faire, et de formuler d’emblée un projet de recherche d’une manière parfaitement
satisfaisante. C’est une erreur, car une recherche, on le rappelle encore une fois, est par
définition quelque chose qui se cherche. Elle est un cheminement vers une meilleure
connaissance et elle doit être acceptée comme tel, avec tout ce que cela implique
d’hésitations, d’errements et d’incertitudes.
Pour sortir de ces errements et incertitudes, le chercheur doit s’obliger à choisir
rapidement un premier fil conducteur aussi clair que possible de sorte que son travail
puisse débuter sans tarder et se structurer avec cohérence. Une bonne manière de s’y
prendre consiste à s’efforcer d’énoncer son projet de recherche sous la forme d’une
question de départ par laquelle le chercheur tente d’exprimer le plus exactement
possible ce qu’il cherche à savoir, à élucider, voire à comprendre. Pour remplir
correction cette fonction, la question de départ doit avoir un certain nombre de qualités :
clarté, pertinence et faisabilité.
- La clarté : il conviendra de formuler une question précise et concise dont le sens
ne prête pas à confusion.
- La faisabilité : lorsqu’il formule une question de départ un chercheur doit
s’assurer que ses connaissances mais aussi ses ressources en temps, en moyen
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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science
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financier et logistique lui permettront d’y apporter des éléments de réponses
valables.
- La pertinence : les qualités de pertinence renvoient au registre (descriptif,
explicatif, normatif, prédictif…) dont relève la question de départ. La recherche
doit aborder le réel en termes d’analyse et non de jugement. Elle doit aussi
s’attacher à étudier ce qui existe et fonctionne avant d’étudier ce qui pourrait
bien exister mais n’existe pas encore. Bref, une bonne question de départ ne doit
pas avoir pas de connotation morale. Elle cherchera non à juger mais bien à
comprendre.
B. L’exploration
L’exploration comprend les opérations de lecture, et les entretiens exploratoires. Les
opérations de lectures visent essentiellement à assurer la qualité du questionnement
tandis que les entretiens aident notamment le chercheur à avoir un contact avec la réalité
vécue par les sujets de recherche.
1) La lecture
Beaucoup de penseurs sont de piètres chercheurs mais il n’existe pas, en sciences
sociales, un seul chercheur qui ne soit aussi, d’une certaine manière, un penseur. Ceux
ou celles qui croyaient pouvoir apprendre à faire de la recherche sociale en se contentant
d’étudier des techniques de recherche devront déchanter : il leur faudra aussi explorer
les théories, lire et relire des recherches exemplaires et acquérir l’habitude de réfléchir
avant de se précipiter dans la collecte de données.
Lorsqu’un chercheur entame un travail, il est peu probable que le sujet traité n’ait
jamais été abordé par quelqu’un d’autre auparavant, au moins en partie ou
indirectement. Il est donc indispensable de prendre connaissance d’un minimum de
travaux de référence sur le même thème ou, plus largement, sur des problématiques qui
y sont liées.
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Politique FSJP, année universitaire : 2013-2014. Page 27
Dans la plupart des cas cependant, l’étudiant qui entame un mémoire de fin d’étude, le
travailleur qui souhaite mener une recherche de dimension modeste ou le chercheur
auquel une analyse rapide est demandée, ne disposent pas du temps nécessaire pour
aborder la lecture de dizaines d’ouvrages différents. D’un autre côté, la boulimie
livresque est une très mauvaise manière d’entamer une recherche. Comment procéder ?
Concrètement, il s’agira de sélectionner très soigneusement un petit nombre de lectures
et de s’organiser pour en retirer le bénéfice maximum.
- Le choix et l’organisation des lectures : le choix des lectures doit être réalisé
avec beaucoup de soin. Quelque soit le type et l’ampleur du travail, un chercheur
ne dispose que d’un temps de lecture limité. Cinq principes peuvent aider à bien
sélectionner ses lectures.
Premier principe : Partir de la question de départ. Le meilleur moyen de ne pas s’égarer
dans le choix des lectures consiste à avoir une bonne question de départ.
Deuxième principe : éviter de surcharger le programme en sélectionnant les lectures. Il
n’est pas nécessaire de tout lire sur un sujet car, dans une certaine mesure, les ouvrages
et articles de référence se répètent et un lecteur assidu se rend vite compte de ces
répétitions. Il ne faut pas également lire d’emblée de volumineux et indigestes
documents avant d’être certain de ne pouvoir s’en passer.
Troisième principe : rechercher en priorité des documents dont les auteurs ne se
contentent pas de présenter des données, mais qui comportent des éléments d’analyse et
d’interprétation.
Quatrième principe : veiller à recueillir des textes qui présentent des approches
diversifiées du phénomène étudié. Il faut confronter les différentes perspectives sur le
sujet.
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Politique FSJP, année universitaire : 2013-2014. Page 28
Cinquième principe : se ménager à intervalles réguliers des plages de temps consacrées
à la réflexion personnelle et aux échanges de vues avec des collègues ou avec des
personnes d’expérience.
- La manière de lire : l’objectif de la lecture est d’en retirer des idées pour son
propre travail. Cela implique que le lecteur soit capable de faire apparaître ces
idées, de les comprendre en profondeur et de les articuler entre elles de manière
cohérente. Pour y parvenir, il faut mettre en oeuvre une grille de lecture et
rédiger systématiquement un résumé du document.
Consignes pour réaliser une grille de lecture : Diviser une feuille de papier en deux
colonnes, 2/3 à gauche et 1/ 3 à droite. Intitulez la colonne de gauche « idées-contenu »
et la colonne de droite « Repères pour la structure du texte ou commentaires ».
Grille de lecture
- Idées-contenu - Repères pour la
structure du
texte ou
commentaires
- Idée n°1 -
- Idée n°2 -
Exercice d’application : Extrait du texte d’Emile Durkheim sur le suicide.
2) Les entretiens exploratoires :
Lectures et entretiens exploratoires doivent aider à constituer la problématique de
recherche. Les lectures aident à faire le point sur les connaissances concernant le
problème de départ ; les entretiens contribuent à découvrir les aspects à prendre en
considération et élargissent ou rectifient le champ d’investigation des lectures.
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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science
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Les entretiens exploratoires ont pour fonction principale de mettre en lumière des
aspects du phénomène étudié auxquels le chercheur n’aurait pas pensé spontanément
lui-même et à compléter ainsi les pistes de travail que ses lectures auront mises en
évidence. Dans cette étape, le chercheur doit éviter de poser des questions trop
nombreuses et trop précises.
L’entretien exploratoire est préconisé en début d’enquête et permet de mieux situer le
cadre d’étude et de formuler plus justement les hypothèses de départ. Pour y parvenir, il
faut construire au préalable le guide d’entretien puis sélectionner les personnes à
interviewer et procéder à l’enregistrement des entretiens après accord de celles-ci.
- Le guide d’entretien est une construction préalable de l’entretien avec des
thèmes et des sous-thèmes. Il doit contenir des questions très ouvertes. Il s’agit
de rechercher des pistes à explorer permettant de préciser les réelles
problématiques susceptibles d’expliquer les faits qu’on peut percevoir. Les
thèmes dominants sont abordés sous forme de questions larges, offrant à
l’interviewé des développements personnels sans aucune restriction. Ces
quelques thèmes généraux peuvent être complétés par des sous-thèmes qui sont
autant de question pouvant aider à relancer les débats. Ces questions sont bien
souvent un peu plus ciblées tout en répondant au principe de départ, celui de
l’entretien ouvert et non directif ne privilégiant a priori aucune piste de
recherche.
- Quand le guide d’entretien est prêt et si possible testé (sur au moins une
personne), il faut procéder au choix des personnes à interviewer. Trois
catégories de personnes peuvent être des interlocuteurs valables. D’abord, des
enseignants, chercheurs spécialisés et experts dans le domaine de recherche
concerné par la question de départ. Ces personnes peuvent aider à améliorer
notre connaissance du terrain en nous exposant non seulement les résultats de
leurs travaux mais aussi la démarche entreprise, les problèmes rencontrés et les
écueils à éviter. La deuxième catégorie d’interlocuteurs recommandés pour les
entretiens sont des témoins privilégiés (personnes qui par leur position, leur
action ou leurs responsabilités ont une bonne connaissance du problème). Ces
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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science
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témoins peuvent appartenir au public sur lequel porte l’étude ou y être extérieurs
mais largement concernés par ce public. Enfin, la troisième catégorie
d’interlocuteurs utiles constituent le public directement concerné par l’étude. Il
est important que l’entretien couvre la diversité du public concerné. Exemple :La
réforme de l’enseignement supérieur au Sénégal.
Nb : les entretiens avec les interlocuteurs de la deuxième et de la troisième catégories
comportent les plus grands risques de déviation par illusion de la transparence.
Engagés dans l’action les uns et les autres sont généralement portés à expliquer leurs
actions en les justifiant (subjectivité, manque de recul, vision partielle et partiale). Une
bonne dose d’esprit critique et un minimum de technique sont indispensables pour
éviter les pièges qu’ils recèlent.
Au terme de cette étape, le chercheur peut être amené à reformuler sa question de départ
d’une manière qui tienne compte des enseignements de son travail exploratoire.
Section II : Les étapes terminales d’une recherche
Ces étapes renvoient à la définition de la problématique de recherche, l’élaboration des
hypothèses, l’observation, l’analyse des informations et les conclusions.
A. La définition des objectifs et de la problématique
La problématique est l’approche ou la perspective théorique qu’on décide d’adopter
pour traiter le problème posé par la question de départ. Elle est une manière d’interroger
les phénomènes étudiés et constitue une étape importante entre la rupture et la
construction.
L’élaboration d’une problématique est une opération qui se fait souvent en deux temps.
Dans un premier temps, il s’agit d’exploiter les lectures et entretiens et de faire le point
sur les différents aspects du problème qui y sont mis en évidence. A l’aide de repères
(schèmes d’intelligibilité ou modes d’explication) fournis par les cours théoriques ou
par des ouvrages de référence, on tente de mettre à jour les perspectives théoriques qui
sous-tendent les approches rencontrées et on peut en découvrir d’autres.
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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science
Politique FSJP, année universitaire : 2013-2014. Page 31
Dans un deuxième temps, on choisit et on explicite sa propre problématique. Choisir
c’est adopter un cadre théorique qui convient bien au problème et qu’on est en mesure
de maîtriser suffisamment. Pour expliciter sa problématique, on redéfinit le mieux
possible l’objet de la recherche en précisant l’angle sous lequel on décide de l’aborder
et en reformulant la question de départ.
Parallèlement, on expose l’orientation théorique retenue et on l’aménage en fonction de
l’objet de recherche de manière à obtenir un « système conceptuel organisé » approprié
à la recherche.
B. L’élaboration des hypothèses de recherche
L’organisation d’une recherche autour d’hypothèses de travail constitue le meilleur
moyen de la mener avec ordre et rigueur sans sacrifier pour autant l’esprit de découverte
et de curiosité propre à tout effort intellectuel. Bien plus un travail ne peut être
considéré comme une véritable recherche s’il ne se structure autour d’une ou plusieurs
hypothèses.
D’abord parce que l’hypothèse traduit par définition cet esprit de découverte qui
caractérise tout travail scientifique. Fondée sur une réflexion théorique et sur une
connaissance préparatoire du phénomène étudié, elle se présente comme une
présomption non gratuite portant sur le comportement des objets réels étudiés. Enfin,
l’hypothèse procure à la recherche un fil conducteur particulièrement efficace qui, à
partir du moment où elle est formulée, remplace la question de départ dans cette
fonction. Parmi l’infinité des données qu’un chercheur peut en principe recueillir sur un
sujet, l’hypothèse fournit le critère de sélection des données dites « pertinentes ».
En somme, l’hypothèse se présente comme une réponse provisoire à la question de
départ. Pour connaître la valeur de cette réponse, il est nécessaire de la confronter à des
données d’observation. Il faut en quelque sorte la soumettre à l’épreuve des faits. Dans
sa formulation, l’hypothèse doit être exprimée sous une forme observable, être générale
et falsifiable.
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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science
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C. L’observation
D’après le Dictionnaire de Sociologie, l’observation est « la considération d’un fait,
directement ou par l’intermédiaire d’instruments, en vu de le connaître ».
Pour que l’observation soit productrice de connaissance, elle doit s’inscrire dans un
programme, une planification qui lui donne un sens dans la mesure où qu’elle est une
étape intermédiaire entre la construction des hypothèses d’une part et l’examen des
données utilisées pour les tester d’autre part.
1) Observation directe et observation indirecte
L’observation directe est celle où le chercheur procède directement lui-même au recueil
des informations sans adresser aux sujets concernés. Elle fait appel directement à son
sens de l’observation. Exemple : pour comparer le public du théâtre à celui du cinéma,
un chercheur peut compter les gens à la sortie observer s’ils sont jeunes ou vieux,
hommes ou femmes, comment ils sont habillés, etc.
Lorsque l’observateur connaît mieux la structure étudiée et que celle-ci le connaît, il
utile de s’immerger dans l’organisation et procéder à l’observation participante. Il peut,
ainsi, effectuer des entretiens de groupe dans la mesure où l’observateur peut susciter et
orienter le débat pour observer de manière anodine les réactions du groupe qu’il étudie.
Dans le cas de l’observation indirecte, le chercheur s’adresse au sujet pour obtenir
l’information recherchée. En répondant aux questions, le sujet intervient dans la
production de l’information. Celle-ci n’est donc pas prélevée directement et est moins
objective. En fait, il y a ici deux intermédiaires entre l’information recherchée et
l’information obtenue : le sujet à qui le chercheur demande de répondre et l’instrument
constitué des questions à poser. Ce sont là deux sources de biais et d’erreurs qu’il faudra
gérer pour que l’information apportée ne soit pas faussée, volontairement ou non.
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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science
Politique FSJP, année universitaire : 2013-2014. Page 33
Dans l’observation indirecte, l’instrument d’observation est soit un questionnaire soit
d’un guide d’interview. L’un et l’autre ont comme fonction de produire ou d’enregistrer
l’information requise pour éprouver les hypothèses.
2) Les trois opérations de l’observation
La première opération de la phase d’observation consiste à concevoir un instrument
capable de produire toutes les informations adéquates et nécessaires afin de tester les
hypothèses. Pour que cet instrument soit capable de produire l’information adéquate, il
devra contenir des questions portant sur chacun des aspects du problème et atteindre le
meilleur degré de précision dans la formulation de ces questions. Une fois, l’instrument
conçu, il faut le tester.
Le test de l’instrument d’observation permet de s’assurer de la précision des questions.
L’exigence de précision varie selon qu’il s’agit d’un questionnaire ou d’un guide
d’interview. Ce dernier est le support de l’entretien et reste dans les mains de
l’enquêteur. En revanche, le questionnaire est souvent destiné à la personne interrogée,
il est lu et rempli par elle. Il est donc important que les questions soient claires et
précises c’est-à-dire formulée de telle sorte que tous les sujets interrogés les interprètent
de la même manière. Outre l’exigence de précision, il faut encore que le sujet interrogé
soit en état de donner la réponse, qu’il la connaisse et ne soit pas contraint ou enclin à la
cacher.
En ce qui concerne le guide d’interview (semi-structuré), les exigences sont différentes.
En l’espèce, c’est la façon de mener l’entretien qui doit être expérimentée autant, sinon
davantage que les questions.
La troisième opération de la phase d’observation est la collecte des données : la mise en
oeuvre de l’instrument d’observation. Cette opération consiste à recueillir ou rassembler
concrètement les informations prescrites auprès des personnes ou unités d’observation
retenues dans l’échantillon.
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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science
Politique FSJP, année universitaire : 2013-2014. Page 34
3) Quelques instruments d’observation
Il s’agit du questionnaire et de l’entretien approfondi par guide d’interview.
a) Le questionnaire
On définit le questionnaire comme « un ensemble de questions posées aux individus de
l’échantillon, susceptibles de donner lieu à un traitement informatique des réponses »
(Dictionnaire de Sociologie).
Nous n’allons pas insister davantage sur cet instrument qui fera l’objet de long
développement dans le cadre du cours portant sur les techniques de sondage. On se
contentera d’exposer brièvement les cas où cette méthode convient particulièrement.
Elle est utile pour :
- La connaissance d’une population en tant que telle : ses conditions et ses modes
de vie, ses comportements, ses valeurs ou ses opinions ;
- L’analyse d’un phénomène social que l’on pense pouvoir mieux cerner à partir
d’informations portant sur les individus de la population concernée ;
- D’une manière générale, les cas où il est nécessaire d’interroger un grand
nombre de personnes et où se pose un problème de représentativité.
a) Modes d’administration
On distingue différents modes d’administration des questionnaires, soit en face à face,
soit par téléphone, soit auto-administrés. Pour recourir à cette technique, il est requis la
maîtrise des techniques d’échantillonnage, de rédaction, de codage et dépouillement des
questions, la gestion d’équipe d’enquêteurs, l’initiation aux programmes informatiques
etc.
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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science
Politique FSJP, année universitaire : 2013-2014. Page 35
b) Structure du questionnaire
Il convient de distinguer la structure dans la forme et dans le fond. Dans la forme, le
questionnaire comprend différentes parties : l’annonce, le corps et le talon. Dans le
fond, on distingue les questions de faits ou d’opinion et les questions ouvertes ou
fermées.
L’annonce constitue le préambule du questionnaire. Dans cette partie, l’enquêteur se
présente (état civil et profession), expose le but de cette enquête et ses finalités et
rappelle quelques principes déontologiques (anonymat, protection des informations
confidentielles). Le corps du questionnaire, quant à lui, vise à élucider l’objet étudié
mais aussi à expliciter les déterminants sociaux comme le genre, l’âge, la profession, la
religion etc. Enfin, le talon constitue l’état civil de la personne interrogée (prénom, nom,
âge, profession, diplôme, ...).
Sur le fond, le questionnaire englobe des questions à choix multiples ou items. Les
questions sont soit fermées ou ouvertes, soit de fait ou d’opinion. On dit qu’une
question est de fait quand elle porte sur un point à priori objectif. En revanche, une
question portant sur les préférences professionnelles, politiques ou religieuses sont le
plus souvent des questions d’opinion. On dit qu’une question fermée quand elle induit
une réponse parmi un choix restreint. Par exemple : Combien de fois allez-vous au
cinéma ? Une fois, deux fois, plus par semaine. Au contraire, une question est ouverte
quand elle est sous forme modale et laisse à l’interviewé l’entière liberté de répondre.
Par exemple : que pensez-vous de la transhumance ? Pour des raisons pratiques (gain
de temps, risque d’erreurs liées au fait qu’une question ouverte peut être comprise
différemment) il est nécessaire d’établir un compromis entre les deux types de
questions. Très souvent, dans le cas de questions fermées, on prévoit une case vide pour
une réponse autre que celles proposées. Enfin, il arrive aussi qu’une question fermée
soit associée à une question ouverte (Faites-vous des sacrifices pour financer vos
études ? Si oui, lesquels ?).
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c) Echantillon représentatif
Le dictionnaire de sociologie définit un échantillon comme « un ensemble d’individus
provenant d’une population, qui servent de support à l’étude qu’on réalise ». Il doit être
représentatif de la population générale. On peut recourir à différentes techniques de
constitution de l’échantillon soumis à l’analyse. Selon la nature de l’enquête et
l’importance de la base de sondage, on tendra à privilégier une technique plutôt qu’un
autre. Elles peuvent être aléatoires (simple, en grappe ou en strate) ou raisonnée (par
quotas).
On a, très souvent, recours à la technique de l’échantillon aléatoire quand on ne connaît
pas ou connaît mal les caractéristiques de la population étudiée. Il se construit par tirage
au sort ; dans ce cas, pour qu’il soit représentatif, il doit être de grande taille. Il peut être
aléatoire simple lorsqu’il est constitué au hasard à partir de tables préétablies (on
sélectionne une personne de 10 en 10 ou 100 en 100). L’échantillon est dit aléatoire en
grappe quand on sélectionne les personnes au tirage au sort mais seulement à l’intérieur
des regroupements préalablement sélectionnés (cantons, communes, département).
L’échantillon est dit aléatoire stratifié quand il constitue la population au hasard mais à
l’intérieur de strates préalablement sélectionnées (ouvriers, employés, cadres ou tranche
d’âges).
La technique de l’échantillon raisonné est utilisée quand on connaît particulièrement
bien la population étudiée. On a recours alors à la méthode des quotas (enquête INSEE)
de telle façon que l’échantillon soit particulièrement bien représentatif de la base de
sondage. On peut même dire que l’échantillon est l’équivalent de la base de sondage en
miniature.
Quoiqu’il en soit il existe un intervalle ou marge d’erreur existant entre la base de
sondage et l’échantillon. Il est donc nécessaire d’opérer un redressement d’échantillon
quand le nombre de non réponse est très important à certains endroits et risque de
fausser la représentativité de la population. Ce redressement se fait soit en augmentant
par dosage le nombre de questionnaires adressés, soit en multiplier par n coefficient le
nombre de non réponses données par la portion faible de la base de sondage.
d) Codage et précodage
Le codage constitue « une sorte de dictionnaire qui permet de passer de la langue des
personnes interrogées au langage numérique ». Selon la méthode choisie, le codage est
soit préétabli (INSEE), soit le codage est élaboré à posteriori à partir de l’inventaire des
réponses données et suite à leur regroupement. Ce dictionnaire des correspondances est
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exposé dans un cahier de codage où chaque réponse est attribuée un chiffre qui est
ensuite rentré dans l’ordinateur.
b) L’entretien approfondi
Deux variantes d’entretien sont généralement.
L’entretien approfondi est dit semi-directif en ce sens qu’il n’est ni entièrement ouvert,
ni canalisé par un grand nombre de questions précises. Généralement, le chercheur
s’appuie sur une série de questions-guides, relativement ouvertes, à propos desquelles il
est impératif qu’il reçoive une information de la part de l’interviewé. Mais il ne posera
pas forcément toutes les questions dans l’ordre où il les a notées et sous la formulation
prévue. L’interviewé doit avoir la latitude de parler ouvertement dans les mots qu’il
souhaite et dans l’ordre qui lui convient. Le chercheur s’efforcera simplement de
recadrer l’entretien sur les objectifs chaque fois qu’il s’en écarte et de poser les
questions auxquelles l’interviewé ne vient pas par lui-même, au moment le plus
approprié et de manière aussi naturelle que possible.
L’entretien centré « focused interview » a pour objectif d’analyser l’impact d’un
événement ou d’une expérience précise sur ceux qui y ont assisté ou participé. Dans ce
type d’enquête, il n’est pas nécessaire de disposer de questions préétablies mais plutôt
une liste de points précis relatifs au thème étudié. Au cours de l’entretien, le chercheur
doit impérativement aborder ces points mais sous une forme qu’il est libre de choisir et
suivant le déroulement de la conversation.
Ces deux techniques conviennent parfaitement à :
- L’analyse du sens que les acteurs donnent à leurs pratiques et aux événements
auxquels ils sont confrontés : leurs systèmes de valeurs, leurs repères normatifs,
leurs interprétations de situations conflictuelles ou non, leurs lectures de leurs
propres expériences, etc.
- L’analyse d’un problème précis : ses données, les points de vue en présence, ses
enjeux, les systèmes de relations, le fonctionnement d’une organisation, etc.
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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science
Politique FSJP, année universitaire : 2013-2014. Page 38
3) La reconstruction de processus d’action, d’expériences ou d’événements du
passé.
D. L’analyse des données
La méthode des entretiens est toujours associée à une méthode d’analyse de contenu
alors que celle des données quantitatives se fait par tris.
a) L’analyse de contenu
D’après le Dictionnaire de Sociologie, l’analyse de contenu est « un ensemble de
procédures de rédaction d’un univers de significations (Textes et / ou images) en unités
de sens et d’analyse de leurs liens internes et externes en vue d’en révéler une
configuration significative pertinente ». Son but est donc d’extraire d’un corpus de texte
ou de transcription (entretiens, questionnaires, presse et archives) des unités de
signification.
1) Transcription littérale ou résumée
L’analyse de contenu suppose au préalable une transcription des entretiens. On parle de
transcription littérale quand on prend en compte la totalité des propos des interviews
avec les pauses, hésitations et intonations (analyse phonétique des interviews). On parle
de transcription résumée quand on se contente de résumer ou de relever simplement les
mots-clés et principales expressions utilisés par l’interviewé (analyse par lissage des
interviews).
2) Analyse longitudinale ou transversale
L’analyse de contenu inclut tous types de traitement des informations permettant
d’extraire des unités de significations (ou unités thématiques) susceptibles d’expliquer
les faits sociaux. Ces unités de signification sont soumises à deux grands types de
variabilités :
- La variabilité historique est la différence de signification d’un mot ou d’une
représentation entre deux époques historiques ;
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Dr Boubacar KANTE, cours de techniques des sciences sociales. Licence II Science
Politique FSJP, année universitaire : 2013-2014. Page 39
- La variabilité contextuelle est la différence de signification d’un mot ou d’une
représentation entre deux lieux ou contextes culturels différents.
Eu égard à ces variabilités, on peut distinguer deux d’analyse. L’analyse longitudinale
est celle qui consiste à identifier des thèmes et des sous-thèmes dans le déroulement
d’un même entretien. L’analyse transversale est celle qui consiste à identifier des
thèmes et des sous-thèmes dans l’étude comparative de plusieurs entretiens.
b) L’analyse des données quantitatives
L’analyse des données quantitatives se fait par tris. On parle de tris à plat quand il s’agit
de caractériser la population qui a répondu aux questionnaires par variable (répartition
homme/femme, tranche d’âge etc.). On parle de tris croisés quand il s’agit de croiser
deux variables ou plus afin d’établir des liens de causalité.
E. Les conclusions
La conclusion d’un travail de recherche sociale comprend souvent trois parties : tout
d’abord, un rappel des grandes lignes de la démarche qui a été poursuivie ; ensuite, une
présentation détaillée des apports de connaissance dont le travail est à l’origine et enfin,
des perspectives d’ordre pratique qu’il offre.
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